Au moins ça me donne une bonne raison pour détester les tapis roulants à la gym.
« On arrête un cheval emballé, on n’arrête pas un jogger qui jogge.
L’écume aux lèvres, fixé sur son compte à rebours intérieur, sur l’instant où il passe à l’état second, ne l’arrêtez surtout pas pour lui demander l’heure, il vous boufferait.
Il n’a pas de mors aux dents, mais il tient éventuellement des haltères dans les mains, ou même des poids à la ceinture […]
Ce que le stylite du IIIe siècle cherchait dans le dénuement et dans l’immobilité orgueuilleuse, lui le cherche dans l’exténuation musculaire du corps. Il est le frère en mortification de ceux qui se fatiguent conscieusemeent dans les salles de remusculation, sur des mécaniques compliquées avec des poulies chromées et des prothèses médicales terrifiantes. Il y a une ligne directe qui mène des instruments de torture du Moyen Âge aux gestes industriels du travail à la chaîne, puis aux techniques de reculturation du corps par des prothèses mécaniques.
[…]
courir obstinément par une sorte de flagellation lymphatique, jusqu’à l’épuisement sacrificiel, c’est un signe d’outre-tombe. Comme l’obèse qui ne s’arrête pas de grossir, comme le disque qui tourne indéfiniment sur le même sillon, comme les cellules d’une tumeur qui prolifèrent, comme tout ce qui a perdu sa formule pour s’arrêter.
Toute cette société ici, y compris sa part active et productive, tout le monde court devant soi parce qu’on a perdu la formule pour s’arrêter. »