Archives de Catégorie: UNC

« Tar heel born, Tar heel bred, Tar heel dead »

Ca y est, je suis ENFIN allée voir un match de basketball. Il était temps, c’était le dernier de la saison.

J’ai vraiment essayé de me mettre dans l’ambiance, mais y’a rien à faire, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’après tout, il ne s’agit que de grands gars qui courent après un ballon orange (mais je l’ai dit à personne parce que le basket, ici, c’est sacré)

Par contre j’aime bien les pom-pom girls et leurs saltos arrières, la fanfare de cent personnes, et tout cet improbable folklore autour des matchs.

Tout le monde est habillé en bleu, voire carrément peint en bleu, et tout le monde chante l’hymne de l’école en sautant partout.

Vous pouvez les écouter ici : http://tarheelblue.cstv.com/trads/unc-trads-songs.html

Les petits soldats de plomb

Samedi j’ai passé la matinée à la reconstitution historique de la guerre Révolutionnaire, en costumes et chapeaux à plumes, avec odeur de poudre, accent anglais et feux de camp. Article publié ce matin dans le Daily Tar Heel

http://www.dailytarheel.com/content/hillsborough-re-enactment-depicts-revolutionary-war

L’avenir du grand reportage est dans le charity business

Avant-hier, je vous demandais votre avis sur « Intended Consequences », un reportage multimédia sur les enfants nés de viols commis pendant la guerre du Rwanda. « Intended Consequences » a été largement salué et récompensé par des prix prestigieux (NPPA’s Best of Photojournalism, Pictures of the Year international…)

Brian Storm, le patron de la société qui produit ces reportages, a affirmé que nous avions devant nos yeux « l’avenir du journalisme ».

Plus j’y pense, et plus leur travail m’énerve : dans le fond, dans la forme, dans ce qu’il révèle de la société américaine.

Je hais ces vidéos. Je hais cette  conception du journalisme. Je hais les procédés utilisés.

Je ne parle pas ici de la télé-poubelle, des magazines people, de MTV, de Fox News et tout ça. Mais de cette tendance «du grand journalisme » à l’américaine, basé uniquement sur du storytelling. C’est ce qu’apprennent les élèves de la School of Journalism at UNC-Chapel Hill, censée être la « meilleur école de journalisme du monde ».

Bien sûr, la réalisation, le montage et les photographies sont d’une grande qualité. Jonathan Torgovnik a fait preuve d’une très belle technique et de qualités d’écoute indéniables.

Je ne suis pas un monstre; bien sûr que j’ai été bouleversée par les témoignages de ces femmes. En cela l’équipe de MediaStorm a atteint son but.

Mais les procédés utilisés dans le montage et la manière de présenter le sujet sont pour moi une trahison du métier de journaliste.

Ce qui m’a écorché les oreilles tout de suite, c’est la musique. Tout le reportage est accompagné d’une mélodie en mineur au piano avec violons synthétisés. La musique remplit ici un rôle évident de dramatisation et de mise en scène. La musique a-t-elle a lien avec les histoires qui nous sont racontées? Non. C’est une musique composée tout exprès pour le public américain, destinée à amplifier les émotions ressenties, comme pour dire: vous avez bien compris que c’était triste, hein? C’est le même mécanisme que celui des rires pré-enregistrés dans le sitcoms.

Lire la suite

Bières, hidjab et épées

Salut. Il est 02h14 du matin.

J’ai passé la soirée à regarder Thomas Le Guillou disputer ses matchs d’escrime contre les Dookies (les étudiants de Duke University, nos ennemis jurés.)

J’ai pas tout compris, ce qui ne m’a pas empêchée de crier avec enthousiasme des phrases stupides du genre « Barbapapa! » et « Vas-y Thomas défonce-les!!! ». Thomas est super fort, il a été champion d’escrime de France l’année dernière et du coup tout le monde l’adore ici. Et je dois avouer que malgré leurs casques et leurs chaussettes ridicules et leurs prises électriques qui sortent de leur t-shirt, c’était quand même bien drôle de le voir jouer.

Parce qu’en plus il a gagné (il est vraiment super fort, je vous dis). Du coup, pour fêter ça dignement, on est allés faire la fête chez ses copains d’escrime. Et on a joué au Beer Pong.

Joie, ivresse et accomplissement ce soir: j’ai ENFIN appris à jouer au Beer Pong, qui, comme son nom l’indique, se joue avec de la bière et des balles de ping-pong.

En gros ça ressemble à ça :

Il faut lancer sa balle dans les gobelets de ses adversaires pour que ceux-ci puissent boire.

Mis à part le fait que la bière était franchement ignoble, on a bien rigolé, avec Thomas (on faisait des bruits de grenouille et on chantait Edith Piaf et « On est les champions » pour distraire l’équipe adverse, et on a gagné (c’est à dire qu’on a beaucoup bu).)

Entre le match d’escrime et celui de Beer Pong (qui a rendu le retour à la maison en vélo dans la nuit assez périlleux), j’ai passé deux heures au milieu du Congrès de l’Association des Etudiants Musulmans des Etats-Unis, et c’était plutôt drôle.

Je devrais aller me coucher, parce que demain, le photographe du Daily Tar Heel et moi nous nous rendons à Hillsborough pour assister à une reconstitution historique de la guerre d’Indépendance Américaine (avec fusils et chapeaux à plumes). J’ai hâte.

Have a nice day!

De l’avenir du grand reportage et des organisations caritatives

Trêve de pâtisseries et de ratons-laveurs.

Ca fait quelques jours que ça ne veut pas sortir de ma tête, ce que j’ai vu et entendu ce soir-là. Je tente de mettre le doigt sur ce qui m’a mis tellement en colère.

C’était avant-hier, à l’école de journalisme de UNC :  rencontre avec Brian Storm, directeur de la société de production MediaStorm, spécialisée dans le journalisme multimédia et les documentaires.

Dans un secteur médiatique en crise, MediaStorm s’en sort très, très bien. « On gagne des tonnes d’argent, » a répété Brian Storm. MediaStorm est présent sur tous les réseaux sociaux et sur toutes les plate-formes médiatiques – journaux, sites internet, I-phone, iTunes, télévision numérique, DVDs, édition.

J’aimerais vraiment bien que vous regardiez cette vidéo — pas besoin de la regarder en entier, cinq minutes suffisent pour comprendre :

http://www.mediastorm.org/0024.htm

Il s’agit d’un reportage sur les enfants nés de viols commis lors de la guerre au Rwanda, en 1991, sur leurs mères, et sur leurs relations.

Avant-hier, les élèves et les professeurs de l’école de journalisme de UNC ont écouté Brian Storm avec une extrême attention. Le silence dans la salle était quasi-religieux.

Pour eux, pour mes profs, vous avez devant vos yeux « l’avenir du journalisme ».

Je voudrais vraiment avoir votre avis :

Qu’en pensez-vous? D’un point de vue journalistique, moral, esthétique?

Est ce que cela vous donne envie de donner de l’argent? Est-ce que vous auriez envie de voir plus de reportages comme celui-ci à la télévision?

(Pendant ce temps là, je prépare mes arguments. Ca me prend plus de temps de prévu, parce que plus j’écris, plus ça s’embrouille.)

Quand les Tar Heels ont été champions des Etats-Unis l’année dernière…

Vidéo filmée depuis les toits de Chapel Hill :

GO TAR HEELS! Go to hell, Dook!

Dammit!

Hier, les Tar Heels, notre équipe de basket adorée, a perdu face aux Blue Devils de Duke University. Enfer et dévastation.

Les fans pleurent, les profs font la gueule, le campus est en état de choc.

Pour bien saisir le traumatisme, il faut savoir que Duke et UNC, bien qu’étant situées à moins de 30 km l’une de l’autre, se vouent une haine intense depuis plusieurs générations.

Ainsi, à UNC, on ne dit pas Duke, on dit « Dook » (argot pour « gros étron puant »). Les étudiants de Duke, on les appelle les « Dookies » (“grosses merdasses”, donc).

Tous les Tar Heels vous le diront:  les Dookies, on les déteste. Ils sont arrogants, super riches, snobs, méprisants, bref, insupportables (et en plus ils ont une bonne équipe de basket)

La rivalité est en faite plus intéressante qu’une banale rivalité sportive. Il y a des tas de choses qui se jouent: la différence de classe sociale (Duke est une université privée, ses étudiants sont tous riches, alors que UNC est publique, 30% des étudiants viennent de familles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté) et le conflit nordiste-sudiste (les étudiants de Duke viennent généralement de lycées privés de la Nouvelle Angleterre, alors que 80% des étudiants de UNC sont natifs de la Caroline du Nord). En fait c’est un peu comme entre l’Olympique Lyonnais et l’AS de Saint-Etienne (Clément si tu me lis…) Promis j’en reparlerai dans un prochain billet.

Bon, mais voici ce que je voulais surtout vous raconter :

Pour rajouter de l’enjeu au match, les rédactions des journaux des deux universités se lancent depuis 1990 le défi suivant: après un match Duke-UNC, le titre du journal de l’équipe perdante doit être imprimé aux couleurs de l’université rivale, avec le logo honni bien visible en dernière page  ET le titre suivant en une “Duke (ou UNC)  sont encore et toujours les meilleurs”.

Voilà qui explique pourquoi ce matin nous avons trouvé notre pauvre Daily Tar Heel complètement défiguré par le logo de Duke en dernière page et le titre colorié avec cet horrible bleu Dookie :

Et, encore plus blasphématoire:

Comme si tout cela n’était pas suffisamment humiliant, Andrew Dunn, notre rédacteur en chef, a  dû se rendre dans les bureaux du Chronicle (le quotidien rival) pour y déposer solennellement soixante exemplaires du Daily Tar Heel défiguré en endurant stoïquement les quolibets et les insultes de la rédaction du Chronicle. Aaargh.

Remarque, ça les change, parce que depuis six ans, ce sont les Blue Devils qui perdent, et le journal de Duke qui était obligé de se faire imprimer en Carolina blue, comme l’année dernière :

En arrivant je trouvais ça complètement con, leur histoire de rivalité.

Mais cinq mois au pays des Tar Heels, ça vous change une femme: moi aussi maintenant je les déteste, les Dookies! Go to hell, Dook!

Pour vous rendre compte de la démesure de ces matchs de basket, regardez cette vidéo :

Carnaval électoral à la sauce narval géant

Ces derniers temps, la grande affaire sur le campus, c’était la  « Student Body President Election Campaign » : la campagne pour l’élection du président des étudiants.

A priori, rien de franchement palpitant, ces élections étant au fond une bataille de personnalités, lesquelles semblaient s’être données le mot pour être les plus consensuelles et lisses possibles. CandyLand style.

Aucun enjeu politique n’est soulevé: personne ne remet en cause les milliers de dollars de frais d’inscription, les contenus pédagogiques, l’organisation de l’université…

Les débats portent plutôt sur des non-problèmes, du genre la sécurité des étudiants (alors que la ville est hyper-sécurisée) et les relations entre les fraternités et l’administration de UNC (palpitant). Rien à voir avec les élections syndicales comme en connaissent les universités françaises.

Depuis un mois, les pancartes multicolores ont envahi le Pit, la place centrale du campus, et dans la cafétaria, il ne se passe pas un jour sans que résonnent les cris et exhortations enthousiastes de supporters (je n’ose pas dire « militants »).

C’était parti pour être chiant à mourir. Mais Nash Keunes est arrivé, avec une campagne complètement délirante, qui visait surtout à ridiculiser l’élection et à se moquer des promesses des autres candidats.

Extraits de son programme :

– transformer le premier étage de la bibliothèque en aquarium géant pour y faire vivre un narval.

Narval géant

– rendre plus faciles les mots croisés du Daily Tar Heel (le quotidien du campus) pour que les étudiants se sentent valorisés quand ils commencent leur journée

– changer le nom de la ville, Chapel Hill, pour « Unaffiliated House of Worship and Secular Community Temple Mosque Center Hill. »

– « We are not in favor of grade inflation. Rather, we are in favor of grade hyperinflation. We want UNC to become the Zimbabwe of grade inflation. »

(NB: « grade inflation », c’est la tendance à la hausse des notes reçues par les élèves depuis quelques années, problème que connaissent toutes les universités américaines et dont beaucoup craignent qu’elle ne contribue à dévaluer les diplômes)

Le Daily Tar Heel ne savait pas quoi faire du « cas » Nash Keunes.

Quant aux autres candidats, ils étaient outrés — deux étudiants ont même créé un groupe Facebook « Ne votez pas pour Nash Keunes le 9 février! »

Malheureusement pour eux, le groupe anti-Nash a été pris d’assaut par les supporters de Nash, qui ont joyeusement posté des dizaines de commentaires sarcastiques du style: « Nash throws cats in front of school busses » ou « Nash is a terrible human being. I have personally seen him eat a baby. »

Bref, on s’est bien marrés, finalement. Merci Nash Keunes.

C’est fini, les résultats des élections ont été annoncées hier, Nash a fini 4e sur 6 dans la course à la présidentielle étudiante.

Supermanix

Cet après-midi dans mon cours de creative writing, il s’est passé un truc bizarre.

Le cours se déroule de la manière suivante : nous devons écrire, pour chaque séance, un petit texte de fiction, histoire de se délier les doigts.

Règle du jeu pour celui d’aujourd’hui: un texte court qui suivait le schéma « Ce que tout le monde sait de X / Ce que moi je sais de X ».

Après que j’ai eu fini de lire le mien, il y a eu un silence vaguement gêné puis tout le monde a éclaté de rire.

Je sais pas trop quoi en penser. J’y avais pas tellement réfléchi en l’écrivant mais ça a dû faire un peu bizarre mon histoire de play-boy qui simule ses orgasmes et qui va cacher ses capotes vides aux toilettes. Peut-être qu’on parle pas de sexe en classe, même quand c’est supposé être un atelier créatif? Peut-être que c’était mon accent?  Le prof, me voyant rougir, a juste dit « don’t be shy, don’t be shy », et il avait son petit sourire en coin indéchiffrable (je vais le prendre en photo vous verrez).

L’histoire est là:

Lire la suite

Qui a peur du grand méchant loup?

… Quand Sarah Frier, la chef de rubrique du Daily Tar Heel, m’avait demandé de trouver les endroits les plus sûrs où vivre hors du campus, j’ai refusé d’écrire l’article. Tout simplement parce que les statistiques sur lesquelles je devais me baser étaient trop imprécises: le classement n’aurait donc eu aucun sens.

Je les adore, mes petits camarades de UNC, mais leur côte parano me court un peu sur le haricot.

L’article a donc été remplacé par une colonne d’opinion (voir ci-dessus).

Remarquez le détail qui tue: l’alarmante carte google couverts de petits plots marquant les incidents répertoriés entre 2009 et 2010. L’image est publiée sans légende ni explication. Elle communique exactement le contraire de ce que j’essayais d’expliquer (en gros, qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter, UNC-Chapel Hill est extrêmement sûr.)

10 things I wonder about

Exercice en cours de Creative Writing.

10 Things That I Wonder About

By Bjorn Pedersen

  1. Why do people spend so much on coffins?
  2. Why can my phone accidentally dialing in my pocket access features I didn’t even know about?
  3. Why are room maximum capacity requirements so specific?
  4. Why do I indefinitely put off writing important emails?
  5. Why do people cut huge arm holes in their workout shirts?
  6. Why do all the environmentalists I know smoke?
  7. Why does my Chinese math professor pronounce “v”’s as “w”’s?
  8. Why don’t I mind working, but mind starting to work?
  9. Why do all the people who share my interests seem to be crazy?
  10. Why do people have to sit at the entrance to my dorm to discuss private things?

Je n’ai pas de talent

photo: Travis Drove

« Je n’ai jamais pensé que j’avais le moindre talent en photographie, mais j’essaye quand même, » nous a dit Travis Drove, lors de la rencontre mensuelle organisée par l’école de journalisme entre un photographe et les étudiants.

Quand tu entends ça alors que depuis une demie-heure défilent sur l’écran ses photographies, toutes plus incroyables et originales les unes que les autres et qu’il a publié un reportage dans National Geographic, t’as envie de lui dire : oh mon gars faut pas pousser, la modestie ça va cinq minutes mais bon…

Mais il est sincère, Travis Drove : en personne, comme dans ses photographies. Il a l’air de se demander ce qu’il fait là, à présenter son travail aux étudiants de UNC. Il a tout juste la trentaine, une bonne bouille.

Le photojournalisme n’est pas mort. Il y aura toujours des univers fous à explorer, des nouveaux mondes à comprendre, des choses merveilleuses à montrer.

Tous les reportages de Travis Dove sont ici : http://www.travisdove.com/

… dont un sur une communauté de skateurs punks du Midwest (dont la photo ci-dessus est extraite) et le résultat de ses 10 semaines de travail avec les moines du mont Athos en Grèce.

L’état d’urgence déclaré à Chapel Hill

« Le maire Kleinschmidt déclare l’état d’urgence à Chapel Hill alors que la ville se prépare à affronter de 7 à 15 cm de neige. »

Ouh la la la.

Commentaire d’un étudiant sous l’article : « 3 to 6 inches is an emergency IN BED »

(ouarf ouarf ouarf)

Apocalypse snow 2

Depuis hier, il neige sans faire de bruit. Le campus est en état de siège. Les bibliothèques sont fermées, les fêtes annulées, les bus ne circulent plus. Aucune voiture ne passe sur la route à côté de ma maison.

Hier il faisait doux, on ne portait même pas de manteaux.

J’écris toujours pour le Daily Tar Heel. J’admire les chefs de rubrique, qui trouvent toujours moyen de remplir le canard.

Ainsi, hier j’ai trouvé un mail de Tori dans ma boîte:

« Hiii giiirly!  ;) […] got a fun story for you this weekend […] we want to do a story about how ice cream places are affected by the cold weather. »

J’ai fait mes devoirs bien consciencieusement. J’ai maintenant 4 pages de citations. Patrons : « Oh yeah, c’est sûr on vend moins de glaces depuis qu’il fait froid. Mais les gens aiment toujours les glaces, alors on en vend quand même. », « On va sûrement fermer demain parce qu’il va neiger. »

Clients : « Ah oui mais non moi je mange toujours des glaces trois fois par semaine. » Client 2 : « Ca ne me dérange pas de manger des glaces en hiver si je les mange à l’intérieur, parce qu’il fait chaud. »

Parano à Candy-Land

UNC vient d’annoncer la mise en place d’un nouveau dispositif de sécurité.

Au début ça m’a fait rire: quand même, ces américains, ils sont pas croyables, avec leur fantasme du risque zéro.

Et puis ça m’a mise en colère.

UNC-Chapel Hill est l’une des meilleures universités du monde. Dans quelques années, ses étudiants vont être au pouvoir du pays  le plus puissant de la planète.

Et ils sont là, à flipper comme des malades de se faire attaquer ou agresser par les quelques malheureux clodos qui habitent ici.

Ils ont des caméras de surveillance partout sur le campus. Une police spéciale qui patrouille jour et nuit.

Sans oublier ces fabuleux poteaux d’appels d’urgence plantés le long des chemins : en cas de problème ou d’accident, il suffit de courir jusqu’au poteau le plus proche et d’appuyer sur le bouton pour que des secours soient envoyés immédiatement.

Le système « RaveGuardian » permet à la police de suivre l’itinéraire des étudiants qui le demandent grâce à leur téléphone portable, pour rappliquer en cas d’anomalie.

Mais ça ne leur suffit pas: les étudiants de UNC ne se sentent pas en sécurité.

C’est pourquoi UNC vient de créer SafeWalk : a partir d’aujourd’hui, tout étudiant peut demander à être raccompagné le soir jusqu’à sa résidence par deux « SafeWalkers », spécialement entraînés par la police et payés par l’université.

C’est vraiment jeter de l’argent par les fenêtres, et une nouvelle preuve de la déconnection totale des étudiants avec le monde extérieur.

UNC et Chapel Hill sont bien plus sûrs que n’importe quelle ville moyenne aux Etats-Unis.

Les statistiques le prouvent : en trois ans, zéro meurtre et zéro viol. Seulement huit vols et 25 « sexual offenses » (on ne sait pas bien ce que ça veut dire d’ailleurs: injures? propositions sexuelles?), dont 16 à l’intérieur des résidences même, pour une population de 30 000 étudiants. Soit un risque de 0, 02% de subir une « sexual offense » sur le campus.

Bien sûr, peu de gens ont osé critiquer le programme. La sécurité, c’est sacré.

J’avais déjà vu le paradoxe dans la banlieue de ma colocataire Corban. Sa famille vivait dans l’un des quartiers les plus sûrs de Charlotte. Ils étaient obsédés par leurs alarmes, leurs grilles et leurs portes blindées verrouillées à double tour.

Un autre symptôme de la paranoïa ambiante: pendant les élections municipales, l’un des candidats proposait très sérieusement d’interdire la mendicité à Chapel Hill et de déplacer le refuge pour sans-abri hors de la ville, afin d’améliorer les conditions de sécurité.

Sors-moi ta sève qu’on voit ce que tu as dans le ventre

Hier, j’ai écrit mon premier texte  pour le cours de Creative Writing.

L’exercice : un texte de 500 mots maximum, utilisant une métaphore filée : “si je suis ceci, alors tu es cela”

Ecrire de la fiction en anglais est une expérience étrange.

C’est comme si je faisais de la calligraphie les yeux bandés, comme si je jouais du piano avec des boules quiès. Mes sens sont brouillés, je trace mes phrases en aveugle.

Dans ma langue, je commence à entendre ce qui sonne juste, je sens comment les mots peuvent s’acoquiner, se mélanger, se désaccorder.

Ce sont mes crayons de couleur, usés et mâchonnés. Ils ont une profondeur et une histoire. Ils traînent des souvenirs personnels, des images et des voix familières… Ce sont les mots de ma sœur, de mon père, de ma mère, ceux des chansons, de  l’école et des journaux.

Au contraire, l’anglais m’est encore insondable. J’y flotte.  Je ne sens pas comment les mots sonnent ensemble. Mes mots anglais n’ont pas de résonance ou de profondeur  – pas encore, je sais, c’est normal, après tout cela ne fait que cinq mois que je suis ici.

Bref, j’étais passablement mal à l’aise quand j’ai donné mon texte à lire à toute la classe — exactement comment si je devais chanter les oreilles bouchées les yeux fermés pour un public qui lui ne les a pas (les oreilles bouchées).

Nous sommes tous en cercle et nous écoutons le professeur Naumoff lire nos textes. Tout le monde meurt de trouille, les gens font semblant de regarder par la fenêtre ou d’examiner leurs ongles quand c’est à leur tour d’être lus. Il y en a eu de très drôles, des élaborés, des un peu attendus (genre, « mon grand-père est un chêne  immense qui ne tombera jamais, il abrite le petit saule que je suis »), des auxquels je n’ai rien compris (le coup des références télévisuelles des années 90, encore…)

Après chaque lecture, tout le monde doit critiquer. Du mien, les autres ont dit que c’était « nicely written » , une fille a dit qu’elle aimait bien l’image des racines qui dansent dans la terre, et Naumoff a dit “I love it. » — mais je le soupçonne de francophilie excessive – vous auriez vu sa tête et ses yeux brillants quand il a vu mon nom sur la liste le premier jour : “You’re French? I love French people!”

Voilà,ce sera probablement le cours le plus difficile et laborieux de toute ma vie, mais je suis très heureuse d’y être. J’ai hâte d’apprendre, hâte que mes oreilles s’ouvrent à cette langue étrange, et très faim d’écrire.

Le texte d’hier est là :

I am the young apple tree among the other trees, and you – a careless gardener.

Lire la suite

Et demain y’a école…

Demain c’est la rentrée.

Mon professeur d’espagnol répond au doux nom de Iluminada — c’est pour ça que j’ai choisi son cours d’ailleurs.

Puis j’ai deux heures de Creative Writing, j’ai hâte de voir à quoi ça ressemble. J’ai bataillé pour pouvoir être inscrite dans le cours. C’est une spécificité américaine: l’idée que l’écriture ne dépend pas uniquement du talent et de la volonté d’un écrivain, mais aussi d’une technique qui peut se transmettre et s’apprendre.

Le professeur est Laurence Naumoff, un écrivain de Caroline du Nord.

Je redescends doucement de New York, c’est fou et excitant et j’irai vivre là un jour.

Tout à l’heure j’étais quand même bien contente de retrouver les routes désertes de la Caroline, ses sapins géants et son air humide, la maison verte, mes colocs.

Le frigo est plein, les bonnes résolutions sur le papier, sac à dos prêt.

A l’école-euuh, à l’école…

Photojournalisme suite et fin

Reçu ma note finale en cours de photo: B-, et un A- pour le projet de fin de semestre.

En vrac :

– Miles from Maybe, le site de mon prof, Chad A. Stevens — regardez la section « Essays and stories », ses reportages sont impressionnants:

http://www.milesfrommaybe.com/?page_id=73

– une des plus belles photos qui aient été prises dans le cadre du cours, elle est de Jessica Crabill :

Vrac 2 : je serai à New York jusqu’au 9 janvier. Présentement chez Clément, avec ma meilleure amie Rachel et mon petit frère Timothée, qui sont venus passer leurs vacances ici — première fois aux Etats-Unis.

Photojournalisme – suite

Un autre photoreportage de fin de semestre que j’ai beaucoup aimé, celui de Ryan Greene.

Jess Kaplan, 22, greets Moka, one of 13 tigers at Carolina Tiger Rescue in Pittsboro, N.C. Kaplan and two other keepers handle most of the care for the tigers and other wild cats, most of which were abandoned or were rescued from private organizations that went out of business.

Kaplan prepares buckets of deer meat, beef ribs and whole chickens to feed the animals. Surviving on donations, the non-profit Carolina Tiger Rescue’s facilities, like this outdoor freezer and prep shed, are far from glamorous.

Kaplan and another keeper, Lenore Braford, butcher a deer that will eventually feed several tigers. During deer season, hunters donate extra kills, and each tiger will get legs or a torso. « It’s a nice change from chicken, » Kaplan says. « It’s a real treat for them. »

Rajah enjoys the fruits of Kaplan’s labor as he eats his deer torso. He has been at it for hours, biting off bits of meat or licking off whole strips of the pelt with his tongue. « You ever feel a house cat’s tongue, how coarse it is, » Kaplan asks. « Imagine that, but a hundred times coarser. »

Having made her rounds, Kaplan prepares to head back to the office. After she checked in on several of the facility’s different wild cats, which include cervals, ocelots and binturongs, Rajah was Kaplan’s last stop.

Photojournalisme – Projet de fin de semestre

……

Chapel Hill, N.C., October-December 2009

Bibliothèque

2h20 du matin ici, je reviens juste de la Davis Flash Rave.

A minuit, tous les étudiants se rassemblent dans la plus grande bibliothèque du campus pour dix minutes de danse sauvage, histoire de se détendre avant les examens.

Techno à fond, tous écrasés les uns contre les autres, tout le monde saute partout, c’est rigolo.

La vidéo a été faite par le Daily Tar Heel pour la Davis rave du semestre dernier, mais c’était exactement pareil tout à l’heure.

des bisous

FORMAL NOTICE

WTF? me suis-je dit ce matin en ouvrant ma boîte mail – « FORMAL NOTICE » en lettres capitales, ça m’a fait peur.

En fait, non, rien. C’est juste le président de l’Université qui nous souhaite de bonnes vacances de Noël, et un super lien pour envoyer des cartes de Noël électroniques customisées « UNC ».

Merci, Chancellor

Ici : l’une des cartes électroniques proposées, photographie de the Bell Tower, la tour de l’horloge, au milieu du campus.

Les cloches sonnent tous les quart d’heure, et à l’heure pile, elles jouent l’hymne des Tar Heels.

La neige, c’est pour faire joli, parce qu’en vrai, il pleut.

Picture freak

Le mardi et le jeudi matin, cours de photo dans les sous-sols de l’école de journalisme.

Ring King

Pour ceux qui sont intéressés, la collection « UNC Official Ring » commence à $335.

Comptez $800 pour le gros modèle avec incrustations de diamants.

C’est super moche et c’est super cher, mais elles se vendent apparemment très bien, merci pour Balfour (l’entreprise qui les fabrique et paye de copieux royalties aux universités pour avoir le droit d’utiliser leurs logos)

Extrait de la plaquette de présentation :

« Ces bagues matérialisent l’essence de l’esprit de notre Université, que nous vous invitons à célébrer avec nous, en portant fièrement votre bague et en assistant à la Official Ring Ceremony.

[…]

Pourquoi participer à la tradition?

– Le symbole de votre engagement à l’école

– The Ring est matérialise votre fierté d’appartenir à l’école. Elle est un signe visible qui vous connecte à votre alumni (anciens élèves)

– Elle vous donne de la crédibilité face aux employeurs. »

Attention, hein, pas de blague : il faut être depuis au moins deux ans étudiant à UNC pour avoir le droit d’acheter une bague.

A la fin de l’année, il y a la cérémonie des bagues avec celle de la remise des diplômes.

Shake it up, SHAKE IT UP !

carolina fitness

Alleluia, je suis retournée à la gym tout à l’heure – Gutts, Butts & Thighs (Cuisses-Abdos-Fessiers)

Premier étage du Student Recreation Center, cinq heures du soir.

Quarante filles de toutes les couleurs, plus ou moins bombesques, en short.

Odeur de chien mouillé, parapluies éparpillés – trois jours qu’il pleut.

Musique : The Destiny’s Child – Single Ladies. Volume sonore : 100 décibels.

Apparaît Monica, la Fitness Instructor, en débardeur rose fluo :

« – HIIIIII everyone ! I am SO excited! This work-out is gonna be A BLAST ! COME ON, girls ! LET’S GO ! Shake-that-BUTT! »

[musique : «poum-poum-poum, oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh, poum-poum-poum »]

Fitness Instructor : «We’re all girls, we’re all have, hem… chest parts ! Shake them, shake it up, SHAKE IT UP! »

Toutes les filles à quatre pattes lèvent la cuisse droite en rythme.

Fitness Instructor : « This is YOUR work-out, GIRLS, you wanna look GOOD on Saturday night! Challenge yourselves ! »

[…]

Fitness Instructor : «Yeaaaah, that’s good ! HOW ARE THESE BUTTS FEELING ? »

(Odeur : sueur. Musique : toujours Beyoncé)

Fitness Instructor : «And-four-three-two-and-one ! That-is-AWESOME ! How are you doin’, GIRLS

Fitness Instructor : « COME ON GIRLS, I can’t hear you : HOW ARE YOU DOING TODAY? »

Toutes les filles : «GREAAAAAT ! WOOO-HOOO !»

Fitness Instructor : « You are AMAZIIIIIING, girls ! »

Les filles : «YEAAAAAAAAH !»

Ah bah ça m’avait manqué, tu vois.

Carolina Fever

Ok. Donc c’est vraiment de la folie, l’adoration que les étudiants vouent à leur université et à leur équipe de foot. Les jours de match, tout le monde est en bleu, la totale, casquette/chaussures/lunettes/maquillages.

Et même, le salon de beauté local fait des promotions sur les manucures bleue ciel – la couleur de UNC.

Carolina Fever